Parfois, pardonner, c’est facile…

Parfois, c’est une lutte tenace…

C’était le 14 décembre. Mon mari et moi sortions au restaurant avec des amis pour marquer les Fêtes. Au cours de la soirée, mes pensées se sont tournées vers mon frère cadet, Paul. J’ai ressenti un vif besoin de prier pour lui. Je me suis donc tournée vers l’amie à mes côtés et je lui ai demandé de bien me joindre dans la prière. Après avoir prié environ 15 minutes, nous avons ressenti une paix profonde, et nous avons continué à fêter.

Lorsque le téléphone a sonné dans les petites heures du matin ce soir-là, je me suis réveillée, appréhensive.

C’était ma belle-sœur qui téléphonait pour m’aviser que Paul était décédé au cours de la soirée, à l’heure même où je priais pour lui. En découvrant qu’il était mort à la suite d’une agression de la part de trois adolescents, un sentiment d’horreur m’a envahi. Il avait déjà été victime d’une agression par le passé, et il avait récemment partagé avec moi que plus que tout au monde, il craignait de devenir victime d’une attaque fatale. Et voilà que sa pire crainte s’était réalisée.

Au cours de cette nuit blanche passée à pleurer, à gémir et à prier, la pensée que Dieu m’avait demandé de prier pour Paul pendant ses derniers moments de vie m’a réconfortée et fortifiée, bien que la connaissance de la terreur qu’il avait vécue m’ait terrassé.

Dans 10 jours, ce serait Noël. Nous avions prévu de monter voir ma mère pour célébrer son 75e anniversaire le 26 décembre. Mes frères et sœurs devaient s’y rendre pour que nous puissions tous la célébrer en famille. Nous nous étions mis d’accord pour acheter une bague de famille pour elle et nous avions hâte de lui remettre ce gage d’amour filial. Mais maintenant tous ces plans prévus si longtemps d’avance tombaient à l’eau. Nous montions plus tôt, non pas pour célébrer la vie de ma mère, mais plutôt pour pleurer la mort violente et prématurée de notre frère.

Vivre un deuil en solitude est pénible. Mais lorsque nous le vivons en famille, lorsque nous voyons notre souffrance miroitée dans les yeux d’êtres bien-aimés, lorsque nous voyons notre mère vieillir de chagrin sous nos yeux, nous constatons que la souffrance de la victime de violence n’est que le premier effet dévastateur du crime. En passant par le deuil en famille, j’ai constaté que chaque personne qui aimait mon frère était aussi devenue victime des actions de ces trois jeunes adolescents qui s’étaient saoulés. Pendant 20 minutes, mon frère avait souffert horriblement. Mais maintenant nous souffrions tous, et c’était cette douleur plus grande qui me déchirait le cœur. En constatant la souffrance de ma famille, je suis devenue enragée contre ces jeunes. Je voulais les frapper, les gifler, les voir souffrir comme nous souffrions. L’intensité de mes émotions m’a surprise. Elle m’a effrayée. Elle m’a domptée.

Aux obsèques, nous avons récité le Notre Père. Arrivée à la phrase : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons ceux qui nous ont offensés », j’ai commencé à pleurer. Mon esprit désirait honorer Dieu, qui m’aime infiniment et que j’aime en retour, en pardonnant, en abandonnant ma colère et mon désir de vengeance. Mais ces sentiments étaient si forts que je ne savais pas comment m’en défaire. Pendant des semaines, j’ai parlé au Seigneur de cette lutte intérieure, mais sans voir aucun vrai changement d’attitude de ma part. Bien que je savais que Dieu pouvait me donner toute la puissance nécessaire pour pardonner, je ne voulais pas vraiment le faire. Et donc, pendant quatre mois, j’ai lutté contre sa volonté. Parce que je savais qu’il voulait que je pardonne ces jeunes, j’ai commencé à éviter tout vrai dialogue avec lui. J’ai continué à lire ma Bible et à prier, mais d’une façon mécanique et superficielle. De temps à l’autre, je décidais de pardonner, mais le désir de tenir rancune reprenait rapidement le dessus, et je m’éloignais de nouveau de Dieu.

Parce que je disais non à Dieu et que je me tenais à distance de lui, j’ai perdu ma joie, ma paix, ma force. Je suis devenue déprimée. Plutôt que de venir à Dieu, je cherchais à éviter la réalité en lisant des romans et en regardant la télé pour faire taire mes émotions.

J’ai constaté la folie de ma désobéissance et mon besoin pressant de revenir à Dieu le Vendredi saint. Nous étions à l’église en train de contempler la mort de Jésus sur la croix pour nos péchés, et j’ai constaté que les personnes qui le torturaient ont été les premières à entendre prêcher l’Évangile le jour de la Pentecôte.

En réfléchissant à combien cela avait coûté à Dieu de me pardonner, combien de souffrance physique, morale et même spirituelle Jésus avait accepté de prendre sur lui pour que je puisse être pardonnée, je savais que je ne pouvais plus continuer à endurcir mon cœur contre lui. J’étais finalement prête à pardonner complètement ces trois jeunes hommes. Mais, je savais aussi que je ne pouvais pas le faire seule. Le lendemain matin, j’ai prié et j’ai confessé mon incapacité à Dieu : « Je veux leur pardonner, mais je suis incapable de le faire. J’ai besoin que tu viennes transformer mon cœur. Aide-moi à voir ces jeunes comme tu les vois. Je ne puis le faire, mais tu peux le faire par ton Esprit en moi. »

En m’abandonnant ainsi à Dieu et en me fiant à sa puissance, j’ai commencé à prier pour eux et pour leurs familles. Une heure plus tard, l’impossible était devenu réalité. En priant pour eux, j’ai ressenti l’amour et l’intérêt de Dieu pour eux. J’ai constaté à quel point il désirait qu’ils goûtent à son pardon, son amour et sa puissance. Il avait transformé ma colère, mon ressentiment et mon désir de vengeance en un désir profond et sincère de les voir se confier à Jésus.

J’ai continué à prier pour eux et Dieu m’a donné le désir de me présenter au procès pour leur communiquer mon pardon en personne et pour offrir à chacun d’eux un livret qui expliquait l’évangile par l’entremise de témoignages et de textes bibliques. Cela m’a épaté de voir comment Dieu a rendu tout cela possible. J’ai pu leur exprimer mon pardon et leur offrir les livrets devant tout le monde dans la salle d’audience, juste avant le début de la séance de l’après-midi. Et cela, après que nous ayons passé le matin à pleurer comme famille en écoutant le récit des faits concernant tout ce qu’ils avaient fait contre Paul. Car pardonner, ce n’est pas ne plus ressentir de la tristesse ou de la compassion pour la personne qui a souffert. C’est plutôt se trouver libéré de la colère, du ressentiment et du désir de vengeance qui accompagnait jadis tout retour sur les événements pénibles.

Cet acte de pardon public a changé l’ambiance de cette salle d’audience ce jour-là. Les membres de la famille de ces garçons se sentaient maintenant libres de venir vers nous pour exprimer leur chagrin pour ce que leur jeune avait fait.

Quelques mois plus tard, lorsque ma mère s’est présentée pour être témoin de la lecture de nos déclarations de victimes et pour entendre prononcer la sentence contre les jeunes, un d’entre eux a déclaré publiquement son regret profond pour ce qu’il avait fait. Lorsqu’il a commencé à pleurer, ma mère est allée vers lui pour le serrer dans ses bras.

J’ai tant appris sur le pardon en passant par cette expérience pénible. J’ai découvert à quel point le fait de voir un être cher souffrir les conséquences de la violence peut nous remplir de rage. J’ai compris pourquoi pardonner peut parfois être une lutte intense et prolongée. J’ai goûté à la joie et à la liberté qui viennent de la décision de faire confiance à Jésus pour le désir et le pouvoir de pardonner. J’ai vu comment notre vision des personnes est transformée lorsque nous commençons à prier pour eux. Et j’ai constaté qu’en exprimant publiquement le pardon, d’autres personnes peuvent aussi être transformées.

Peut-être passez-vous par une expérience semblable en ce moment. Peut-être voulez-vous aussi goûter à la liberté qu’apporte le vrai pardon. Si tel est le cas, je vous invite à en parler avec Jésus. Vous pourriez peut-être lui dire quelque chose comme suit :

Seigneur Jésus-Christ,

À un prix sans mesure, tu m’as libérée de la dette de mon péché. Tu m’as pardonné toutes mes offenses, tout mon péché, en acceptant d’en payer le prix en mourant sur la croix. Tu me demandes maintenant de pardonner à (nom de la personne), qui m’a offensée en faisant (nommer l'acte). Je ne peux pas le faire par mes propres efforts. J’ai besoin que ton Esprit vienne transformer mon cœur et mes pensées. Viens me donner le désir et la force de pardonner. Aide-moi à voir cette personne comme tu la vois. Montre-moi comment exprimer mon pardon et comment me réconcilier avec cette personne. Merci de m’avoir pardonné. Viens diriger ma vie et faire de moi la personne que tu désires que je sois. Amen.


Source de la photo : Ben White sur Unsplash